mardi 16 juin 2009

RÉFLEXION SUR LE CRÉDIT[1]

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Au Brésil, le crédit existe. D’ailleurs tout le monde vit amplement à crédit. Les seuls organismes qui ne font pas crédit, pour les pauvres en tout cas, sont l’état et les banques. Les banques ne prêtent pas pour des gens qui veulent acheter une maison alors qu’ils ont un revenu fixe. Les raisons ? La volatilité de l’emploi, l’instabilité des vies : la mort est si vite arrivée. L’accès aux crédits à long terme est quasiment impossible.

Et pourtant, tout le monde vit à crédit. On achète ses chaussettes, son beurre, sa bière, sa télévision à crédit sur 5 voire 12 mensualités en payant des intérêts, mais toujours sans avoir accès au crédit pour construire une maison. Les commerçants comprennent à peine quand nous payons nos achats a vista[2]. Nous y voyons pourtant plusieurs avantages : simplicité dans la gestion du budget familial, éviter les dettes car plusieurs familles ne savent pas quelle somme d’argent va rentrer dans le foyer la semaine suivante. D’autre part, pratiquement tous les commerçants font une ristourne[3] pour les paiements a vista. Est-ce que finalement ces facilités de paiements n’ont pas contribué à cette fameuse crise mondiale ?

Diverses conséquences à ces crédits inaccessibles pour le logement, mais très ouvert sur la consommation. Dans chaque maison, on trouve le matériel hifi minimum : téléviseur, lecteur DVD, chaîne en état de fonctionnement ! Les maisons restent quant à elles inachevées. Elles sont construites au gré de l’argent disponible. Si un mois, le voisin a la somme pour acheter 1000 briques (R$ 150) et un peu de ciment, il construira une pièce de plus. C’est ainsi que le paysage ressemble à un grand chantier non fini.

Conséquence positive: le marché immobilier reste accessible à quasiment toutes les franges de la société et la possibilité de vivre une mobilité entre quartiers dès lors que les gens ont un travail officiel est réelle. Une partie de ceux qui vivent dans notre quartier aurait pu vivre dans un quartier plus tranquille. Mais leur attachement à la maison de leurs parents, à ce quartier les font rester ici. C’est comme cela que 3 à 4 couches sociales se côtoient aux Alagados.

Enfin, le drame est l’accumulation de dettes qui ne permettent pas à certains qui travaillent de sortir la tête de l’eau. Ils travaillent pour payer leur vie passée. Leur seul moyen de vivre le quotidien est d’utiliser encore plus le crédit à la consommation et donc de s’endetter un peu plus et de ne rien pouvoir prévoir pour le futur.


[1] Ces remarques n’ont pas de valeurs scientifiques, car je ne suis pas économiste, mais elles résultent des mes observations et discussions avec les personnes que nous cotoyons chaque jour.

[2] A vista est le terme employé pour le paiement en une seule fois. Littéralement « à vue »

[3] Généralement de 5% mais pouvant atteindre 10%. Ces économies permettraient à certaines familles de faire de sérieuses économies chaque mois.

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